Sagesse matinale et citations approximatives

Notre très estimable consœur Nathalie Sejean ayant relancé la mode, ayant toujours préféré les maximes Shadok au Discours de la méthode, nous nous joignons à ses efforts pédagogiques pour dévoiler les quelques aphorismes qui nous ont marqué durablement, dans ce métier aussi ingrat que passionnant qu’est la réalisation de films.

Le premier m’est resté sans le nom de son auteur, et semble trop répandu pour que j’en puisse remonter à la source originelle. Il ordonne, surtout, impérativement, de ne pas, de ne jamais se comparer aux autres. Lorsque l’on aime autant Godard, Watkins, Lanthimos, Leone, Winding Refn que Dreyer ou Kagel, c’est même une nécessité pour préserver sa santé mentale. Lorsqu’on ne sait rien des circonstances atténuantes ni du travail harassant qu’ont nécessité leur production, il vaut mieux n’en rien présupposer, se réjouir de ces œuvres sans se poser la question des nôtres et passer à autre chose.

La deuxième vient du grand Raoul Coutard : lors d’une conférence à la Cinémathèque, il racontait ce que lui avait enseigné un de ses prédécesseurs lorsqu’il lui avait demandé ce qu’il devait savoir du milieu du cinéma, alors qu’il hésitait à quitter les armées pour vivre de celui-ci. La réponse fut aussi cinglante que concise : « l’injustice ». En substance, il n’y a pas de milieu plus injuste que celui du septième art.

Il y a aussi ces généralités sur le métier de réalisateur, dont, comme le disait très justement Alain Guiraudie, l’activité principale n’est surtout pas de tourner, mais d’écrire des dossiers de financements, puis de chercher à obtenir des rendez-vous pour les remettre. Ne surtout pas s’imaginer autre chose.

Enfin, pour conclure nous paraphraserons le grand Werner Herzog : « Arrête de braire. C’est d’la faute à personne s’tu veux vivre la Bohème. C’est l’turbin de personne que d’kiffer tout c’que tu fais sans bramer et tu vas obliger personne à aligner des biftons pour voir tes rêves en CinémaScope. R’descends sur terre. Croche une caméra s’il l’faut, mais, arrêt’de tirer au cul, ravale tes larmichettes et r’prends ton bâton de pèlerin. » Le réalisateur allemand conseillait aussi aux réalisateurs de lire beaucoup, énormément, tout le temps. D’où, sans doute, cette langue si joliment fleurie.