Des espoirs

De désolement il peut être largement question à propos de ce film : réalisant cinquante fois moins d’entrées que n’importe quel Marvel, distribué à grand peine dans trois pays six mois après sa sortie aux États-Unis, suscitant de rares critiques autant élogieuses qu’invisibles, rien ne semble vraiment rendre justice à la réussite impressionnante de cette première réalisation de Boots Riley, Sorry to bother you.

Raoul Coutard avait coutume de répondre que la chose la plus importante à apprendre dans le milieu du cinéma est l’injustice. C’est là d’ailleurs l’un des grands thèmes de ce film, qui ressemble au graal que recherche Spike Lee depuis ses débuts, qui emprunte autant à Quentin Tarantino qu’à Matrix et… Karl Marx, qui mêle sans faillir humour zélé, tempo entêtant et intelligence politique rare.

Mais cette forme de résignation va à l’encontre de la démarche du film, qui reprend cette antienne anticapitaliste : se résigner, voire désespérer de la situation actuelle, c’est déjà faire le jeu des instances dominatrices. La bande son du film est, à elle seule, une rare réussite, mêlant hip hop, R’n’B, funk et guitares dans un style accoutumé à ce réalisateur davantage connu pour le groupe dans lequel il officie depuis une vingtaine d’années, The Coup.

Dans la lignée du positionnement ouvertement marxiste-léniniste de leurs textes, le film utilise donc une dialectique particulièrement jouissive : montrer sans fard les dérives calamiteuses du système capitaliste dans son ensemble, sans refuser une ironie et un humour autant ravageurs qu’indispensables à toute survie dans ce monde-là.