L’actualité cinématographico-numérique vient de connaître un rebondissement de taille: la vénérable Cinémathèque a tout juste annoncé le début d’un « partenariat » pour achever la restauration du non moins vénérable Napoléon d’Abel Gance avec rien moins que… Netflix. Le tempo nous laisse déjà interrogateur: comme l’annonce le communiqué de presse lui-même, les travaux de restauration ont été entamés il y a plus de dix ans et devraient toucher à leur fin cette année. Se présenter ainsi comme « mécène » tout en arrivant lorsque le travail est quasiment achevé en dit long sur le sérieux de l’engagement de la virtuelle multinationale.

Même si, finalement, ce partenariat n’est pas surprenant: loin de ses subversives vélléités passées, la Cinémathèque avait déjà présenté, l’année dernière, en avant-première, le soporifique The Irishman. Et ce n’est qu’une victime de plus dans l’opération de vampirisation que mène l’ogre en ligne: organisation de séances de projection dans une petite salle du Quartier latin, soutien aux programmes de formation des Gobelins, de la FEMIS ou de Kourtrajmé, etc.

Cette mainmise sur les miettes du secteur culturel est loin d’être rassurante : qu’une seule firme regroupe une telle concentration de capitaux et d’investisseurs sans aucune contrepartie rappelle les pires heures du système hollywoodien. Sans évoquer les autres questions de la dette colossale sans lequel leur modèle s’effondrerait, de l’origine de ces fonds qui leur permettent d’écraser toute concurrence tout en échappant au moindre impôt, ni de la gabegie écologique que ce système de diffusion implique.

On remarquera d’ailleurs que les traces de ces partenariats sont presque invisibles chez les premiers concernés, au mieux un petit logo en bas de page. Si on se rappelle l’indigence ontologique des productions de cette maison — ce gratte-ciel ! — ce sont finalement ces mots de Ricky Gervais qui résument le mieux cette situation navrante.