No future

Article impressionnant paru sur le vénérable Harper's Magazine qui vaut le coup d’en déchiffrer l’anglais soigné pour comprendre les enjeux actuels de la production hollywoodienne. Dont l’avenir semble aussi radieux que notre planète dans un film post-apo… sans parler de la réalité…

Sans prétendre à un résumé exhaustif, en voilà quelques faits croustillants : il y a bien eu une heure de gloire de la production indépendante à la fin des années 80 et 90 suite à la dérégulation progressive du milieu permettant des concentrations inédites, rassemblant médias, studios de production et chaînes de diffusion jusque-là strictement séparés par des lois décennales abolies par Reagan et Clinton. Mais derrière les façades éléphantesques des conglomérats actuels, il y a maintenant la mainmise des fonds d’investissement qui ont racheté 80 % des principales sociétés du secteur après la « crise » de 2008 dont ils sont ressortis abreuvés de liquidités qu’il leur fallait bien dépenser quelque part. D’où la mode des films issus d’IP qui est bien la conséquence de cette réorganisation et le résultat de la mainmise des financiers sur la production dans l’optique d’en supprimer tous les risques. Et le fait que l’évolution du nombre d’abonnés d’un trimestre à l’autre soit devenu le seul critère de jugement de la production sans aucune autre considération à plus long terme.

En même temps, les salaires des scénaristes ont connu une diminution drastique les empêchant de pouvoir vivre de leur métier cependant que les mieux payés d’entre eux touchent des sommes maintenant astronomiques selon la tradition du « winner takes it all ». Enfin, la mode de la writer’s room, étendue maintenant à toute grosse production comme Avatar a conduit à diviser par dix la durée d’intervention des scénaristes et pousse la division du travail à un tel niveau qu’elle les prive de la connaissance de l’intégralité de l’œuvre sur laquelle ils travaillent… De plus, elle permet de les mettre au chômage avant même que la production, avec laquelle ils n’ont plus aucun lien, ne commence.

Le journaliste s’est basé sur de précieux témoignages de gens de la profession rassemblés patiemment pendant un an. La conclusion sur l’évolution de cette situation déjà dramatique n’est guère optimiste mais tout-à-fait dans la lignée de la logique du capitalisme tardif que certains n’hésitent pas à qualifier de mortifère. Ce qui pourrait bien, là aussi, signer la mort d’Hollywood. Le seul espoir serait que l’éternel adage « nobody knows anything », selon lequel le doute est l’élément central de cette industrie atypique, finirait bien par s’imposer à nouveau. Ou alors faut-il se faire à l’idée de la fin de cette « industrie du rêve » ?