Nous avons déjà évoqué les prémisses du cinéma et son origine complexe, loin d’être attribuable à une seule invention et un seul homme, ni même deux. Si l’on n’en retient que sa part visuelle, il est constitué de la projection successive d’images donnant l’impression du mouvement, grâce à la faible résolution temporelle de l’œil humain – qui n’a rien à voir à la persistence rétinienne, au contraire. Mais, bien plus qu’à la fin du dix-neuvième siècle, il semblerait que cette tradition vienne de bien plus loin que ce qu’en retiennent les livres d’histoire.

Comme le rappelle François Bon dans sa note numéro 19, les lanternes magiques, au dix-huitième siècle, produisaient déjà des images animées. Les dix-sept mille exemplaires du genre collectés par la Cinémathèque attestent du succès que suscitaient ces projections et de l’éternelle passion de l’homme pour créer le mouvement. Mais ces origines, déjà connues, sont rebattues par les recherches scientifiques menées par Marc Azéma : le principe d’images animées remonte à, excusez du peu… la préhistoire.

Le chercheur a analysé différentes œuvres de peintures rupestres, aussi connues sous le nom d’art pariétal. En se penchant sur le sens des figures qui recouvrent les parois de la grotte Chauvet, il a reconnu dans les différents traits de ces dessins ceux de la décomposition du mouvement, telle qu’elle est utilisée pour les dessins animés. En superposant, sur ordinateur, ces éléments, il parvient à restituer ces mouvements, comme dans la vidéo en tête de cet article, qui n’ont rien à envier aux GIF du vingt-et-unième siècle. L’étude des plus grandes fresques fait même penser à la création de véritables récits graphiques.

Dans le passionnant documentaire que ce chercheur a consacré au sujet, Quand homo sapiens faisait son cinéma, la possibilité que le son fût en même temps présent n’est même pas exclue. Nous nous retiendrons de clamer que c’était, déjà, il y a quarante mille ans, véritablement du cinéma, surtout qu’on est loin de ce qu’apporte le dispositif de la salle obscure. Mais l’existence de récits imagés, dès cette époque, permet de relativiser le concept de cinéma tel que nous le connaissons, et nous conforte dans l’idée que nous pourrions, un jour, voir des films autrement. Par exemple, avec un casque de réalité virtuelle. Qui sait ?

[via]