Des livrées

Comme il est de mode, en cette période de l’année, de conseiller quelques lectures, voilà, en forme de bilan et de conseils, les meilleures lectures de ces derniers mois de livres, plus ou moins récents, qui concernent le cinéma :

Le Ciné-capital : d’Hitchcock à Ozu de Jun Fujita

C’est la lecture la plus inattendue, peut-être la plus complexe, aussi, de ces derniers mois, dont le sous-titre annonce clairement le programme : proposer une « lecture marxiste de Cinéma de Gilles Deleuze ». Et c’est ce à quoi s’en tient strictement l’ouvrage : comment les brillants propos quelque peu théoriques de Deleuze peuvent-ils être mis en œuvre, matériellement, au niveau du film lui-même. Comme toute lecture matérialiste, cet ouvrage s’appuie autant sur Bergson que sur Marx, mais l’idée que le cinéma « moderne » est parvenu, à une certaine époque, à émanciper les images de la domination de la narration et de l’auteur-roi est très inspirante.

Sur le film de Philippe-Alain Michaud

Ce livre somme du conservateur en charge de la section film du centre Pompidou s’attache à recenser les différents courants d’utilisation du film en dehors des salles de cinéma traditionnelles. Sans prétendre à l’exhaustivité, toutes les expérimentations possibles et (in-)imaginables y sont recensées, des plus folles aux plus conceptuelles, et ouvrent bellement l’esprit à des conceptions cinématographiques moins conservatrices.

Media crisis de Peter Watkins

Pour paraphraser Desproges, on pourrait dire que Peter Watkins n’a pas fait que réaliser des chefs d’œuvres, il en a aussi écrit : sont développés ici, succintement, les concepts où en est arrivé cet inclassable réalisateur après quarante ans de création cinématographique hors norme. L’état de la société qui s’en dégage, aussi bien médiatique que culturel, n’est pas des plus réjouissants, mais demeure d’une actualité brûlante et peut s’accompagner du documentaire que l’ONF lui a consacré, L’Horloge universelle.

Le cinéma, art subversif d’Amos Vogel

Nous avons déjà mentionné cette lecture très forte, dévorée lors de sa re-parution chez Capricci, qui se présente comme une anthologie exhaustive de tous les films, longs ou courts métrages, fictions, documentaires ou animations, dont le caractère subversif ne peut être contesté. Buñuel, Scorsese ou Herzog ont, eux aussi, loué le travail incroyable qu’avait mené Amos Vogel pour cet ouvrage publié, en France, — et c’est là son unique défaut — en 1977. Comme l’écrit Albert Serra dans la préface à cette nouvelle édition, « après avoir lu ce livre, personne ne pourra plus supporter comme avant un film normal ou commercial ».

Pour un cinema contemporain soustractif d’Antony Fiant

Enfin, avec un certain retard, nous ne relayons que maintenant la lecture de ce stimulant ouvrage qui réunit un certain nombre de réalisateurs disparates mais qui se caractériseraient par une tendance commune au less is more. Nous y avons retrouvé parmi nos plus grandes découvertes de ces dernières années, et sans surprise, la plupart de ces réalisateurs ne sont évidemment pas français