Parce que ce blog, naguère indépendant, fête aujourd’hui ses cinq premières années, parce que cette année 2019 devrait nous voir retourner avec grand-joie dans les eaux troubles de la fiction, parce qu’il n’est jamais trop tard pour en revenir à la racine, voilà les multiples racines des prédicats et des substantifs qui forment notre métier :

  • dire vient de la racine indo-européen commun *deik— (« montrer ») dont est issu aussi digitus (« doigt, ce qui sert à montrer »). La parole fait office d’outil.
  • conter vient de la racine indo-européenne *pu— (« couper, tailler »). De l’action, la signification s’est reportée à sa mesure, d’où conter — qui donne raconter — et compter, tous deux issus du même latin computare.
  • narrer vient de la racine indo-européenne *gno— (« connaître »), qui a également donné ce qui permet de connaître, nomen, le nom.
  • récit vient de la racine indo-européenne *ke:i— (« mouvoir »), de l’usage d’appeler les gens à comparaître au tribunal. A aussi donné κινεω (kineo), le mouvement, et cinématographe, l’art de l’enregistrer.
  • fiction vient de la racine indo-européenne *dheigh— (« mouler, façonner »), d’où action de façonner, création, racine que l’on ne retrouve plus, en français, que dans les mots feindre et figure.

Nulle part le récit n’est premier : il est toujours substitut, là où l’acte même de raconter, de désigner, de faire connaître, de comptabiliser, tient lieu d’autre chose. D’où la nécessaire existence du narrateur, de celui qui a la connaissance, contrairement à l’historien qui, lui, la cherche. Mais il est force perceptuelle, puissance réelle, et les liens entre toucher et image ne sont sans doute pas pour rien dans l’inspiration du prochain film à venir de l’un des cinq compères de la photo en tête — et non des moindres —, Le Livre d’image de Jean-Luc Godard : les cinq doigts de la main, comme celle qu’il tend sur le cliché.