Bouclage de Loupe

Alors que, ces dernières semaines, les exhortations à se divertir nous assomment, entre deux enclumes sanitaires, la cinéphilie vient de connaître un nouveau tremblement de terre dans cette moiteur estivale : son dernier grenier à pépites cinématographiques, inauguré pendant le premier confinement, cette cinémathèque babélienne dans laquelle s’échangeaient d’innombrables films introuvables dans aucun circuit commercial, le fameux groupe Facebook dit La Loupe, dont plus de seize mille personnes connaissaient l’existence sans jamais l’avouer, vient d’être anéanti par les autorités numériques dont il dépendait dangereusement.

Les étapes de cette destruction cataclysmique sont limpides : alors qu’un premier article en avait évoqué publiquement l’existence, l’année dernière, que des éloges en avaient été blogués au printemps en français… et en roumain, les trois pages qui lui ont été consacrées, il y a une dizaine de jours, dans la bible de la bourgeoisie culturelle sont passées pour une provocation outrecuidante, un furoncle qui ne pouvait rester sans être écrasé par les doigts vengeurs des éditeurs officiels… C’est le directeur de Carlotta Films qui a dégaîné la sulfateuse massive, deux jours après, pour éradiquer ces ronces pirates dans une tribune mémorable. Il y dénonce, notamment, les immenses torts causés par ce groupe à ses activités… à propos de films qui, justement, ne sont pas édités. Mais qui le seraient peut-être, un jour, ce qui le priverait alors d’une rentabilité supplémentaire. C’est finalement Minority Report qui revient par cette porte, ces internautes étant préalablement accusés d’un éventuel tort commis à propos d’une activité qui n’a pas encore eu lieu

Évidemment, une dizaine de jours après, le couperet est tombé, le groupe n’existe plus, tout comme sa moindre mention sur n’importe quel réseau social. À l’heure où d’autre réseau de partage peut se voir consacrer un mémoire universitaire d’une centaine de pages, après avoir déjà provoqué d’autres fermetures sèches évoquées ici ou , il semble que le capitalisme français ait, une fois de plus, préféré se brouiller avec les plus cinéphiles des internautes.